Jacques Cheminade et Marcel Barbu ont obtenu 0,28% des voix et 1,15%.
Vient maintenant le temps du bilan et du choix : considérer
ces voix comme une simple note finale de leur campagne ou un capital de
voix à partir duquel il est possible de prendre un nouvel élan
et ouvrir de nouveaux espaces.
Espaces possibles qui se situent sur trois plans.
L 'aspect politique d 'abord qui dépend largement d 'eux.
Jacques Cheminade considère-t-il la politique de la même
manière, et son combat à partir de sa Fédération
pour une Nouvelle Solidarité continue-t-il avec les mêmes
moyens et objectifs ?
Ou bien ce candidat qui professe un programme s 'appuyant sur une idéologie
installée, après ce résultat modifie-t-il son
discours sur le fond et la forme pour pouvoir élargir sa base?
Marcel Barbu qui s 'était engagé en tant que promoteur
immobilier candidat du peuple ressort-il de l 'élection
simplement en homme politique? Poursuit-il son combat pour obtenir des
permis de construire par son association ou faire connaître ses idées
par un parti politique?
Lui qui vient dans la campagne pour défendre une idée,
veut-il continuer à défendre son programme construit au cours
de la campagne et qu 'il n 'a pas pu faire appliquer?
L 'aspect médiatique ensuite qu 'ils ne contrôlent pas.
Combien de temps dure pour eux l 'onde de choc des médias?
Est-ce que le fait de ne plus être candidat mais ancien candidat
conduit à leur ouvrir un nouvel espace dans la presse et quelles
en sont les formes ?
Eux qui étaient arrivés sans prévenir dans le
champ de vision de l 'oeil médiatique contrôlent-ils
ou subissent-ils désormais cet oeil tour à tour inquisiteur
et bienveillant ?
L 'aspect électoral enfin qu'ils allument et que le peuple éteint
ou enflamme.
Pour ce qui est de cette élection d 'abord, Marcel Barbu qui
avait conseillé aux électeurs de mettre leurs voix à
la glacière pendant quinze jours en se portant sur son nom, se sent-il
responsable de ses voix après le second tour?
Jacques Cheminade considère-t-il désormais avoir une
base électoral sur laquelle se reposer?
Mènent-ils de nouvelles campagnes électorales, à
quelle échelle et pour quel résultat?
Et surtout les méthodes employées pour séduire
les électeurs ou les parrains sont-elles les mêmes ou ont-ils
retiré de cette élection des leçons qu 'ils appliquent?
Par l 'étude de ces trois aspects il sera possible de savoir
si ils ont transformé leur bizutage politique, médiatique
et électoral en expérience.
Et surtout il en ressortira dans quelle mesure ces trois espaces ouverts
à eux par leur candidature se sont de leur fait ou mécaniquement
transformés après la campagne ou refermés sur eux
- Section 1 - Onde de choc politique
Le résultat du premier tour, ne marque pas la fin de l 'élection
pour tous les candidats.
Quelle est l 'attitude de Marcel Barbu et Jacques Cheminade jusqu 'à
ce que l 'espace électoral de la campagne se soit refermé?
Continuent-ils à livrer un combat politique?
Le candidat de 1995 compte tenu de son très faible score ne
participe pas à l 'entre-deux-tours. Ce report de voix, qu 'il avait
annoncé avant son résultat, pour Lionel Jospin ne porte que
sur 0,28% de l 'électorat.
Ce n 'est pas pour le représentant de la gauche au second tour
une force d 'appoint et pour l 'éliminé hors parti un électorat
à donner voire à échanger contre certaines de ses
propositions.
Ce qui n 'est pas le cas de Marcel Barbu qui considère son score
électoral comme un poids à monnayer pour apporter son soutien
aux rescapés du second tour.
Evidemment avec 1,15% des voix il ne peut pas imposer son programme
entier. Il choisit donc deux propositions parmi les trois les plus relayées
dans les médias et parmi les moins radicales de son programme :
la création d 'un organisme de défense des droits de l '
homme et pouvoir continuer à défendre ses idées à
la télévision après l 'élection à un
rythme d 'une heure par mois (1).
Il élargit cette dernière idée à tous les
candidats de la future opposition et ne la limite évidemment plus
à 5% des suffrages. François Mitterrand est le seul à
accepter ces points mais De Gaulle l 'emporte.
La défaite du candidat de la gauche marque-t-elle la retraite
politique de Marcel Barbu qui n 'a plus au soir du second tour aucune tribune
pour s 'exprimer et faire avancer ses idées?
Après la victoire du Général deux indices annoncent
la poursuite de son combat politique.
Sur le plan des idées il continue à demander à
ce que tous les battus puissent profiter de la télévision.
Il lance également une nouvelle proposition de réforme
du mode d 'élection du président de la république
taillée sur mesure pour lui : «il réclame une élection
présidentielle en deux temps : un premier tour comptant «pour
rien» mais servant à mesurer les chances de chacun; et un
second tour «pour de bon» entre tous les candidats , l 'élu
étant celui qui aurait fait le plus de voix» (2).
Cela résoudrait bien sûr quelques problèmes, de
temps, de notoriété ou de base électorale sur laquelle
s 'appuyer, posés par les candidatures hors parti. Mais ce changement
n 'est évidemment pas réalisable car c 'est l 'avant-campagne
qui joue déjà ce rôle de premier tour pour les autres
prétendants
L 'autre indice est qu 'il se comporte en homme politique qui
a désormais la stature pour se placer au même niveau que les
autres. Après la victoire du général il fait ainsi
une déclaration saluant sa victoire en ajoutant :«c 'est ainsi
dit-il que doivent réagir tous les vrais démocrates. C 'est
le général De Gaulle que nous devons désormais convaincre
de l 'utilité de nos propositions. C 'est avec lui que nous devons
tenter de les mettre en oeuvre » (3).
Mais de quelle manière Marcel Barbu et Jacques Cheminade continuent-ils
leur combat?
En réalité, dès avant le premier tour Marcel Barbu
fait part de ses intentions d' après-campagne.
En 1946, après avoir démissionné de son mandat
de député, il avait hésité à poursuivre
son engagement politique ou à retourner dans sa communauté
pour finalement retenir cette dernière solution après avoir
subi des pressions amicales de ses «copains».
Cette fois ses intentions sont à la fois politiques et
associatives, et c 'est désormais un double combat qu 'il veut mener.
Il n 'abandonne pas son association. Avant les résultats il
annonce que «ne s 'étant pas arrêté plus de 8
jours en 23 ans ... il n ' y a pas de raison pour que M barbu ne
vienne pas lundi matin à son bureau de Sannois, à 8 heures
comme d 'habitude» (4).
Et effectivement «dès le lendemain du scrutin le candidat
des «chiens battus» avait repris béret sur la tête,
le chemin de ses chantiers» (5).
Mais ce retour à Sannois n 'est pas celui d 'un ermite. Si il
se plonge dans ses futures réalisations de logement c 'est surtout
pour garder financièrement la tête hors de l 'eau : «il
n 'en restera pas là assure son état major. En attendant
il reprendra le collier parce qu 'il faut bien vivre» (6).
Le Figaro conclut son article sur le report de voix de Marcel Barbu
de façon indicative sur ses objectifs, mais il est difficile de
savoir si c 'est de l 'initiative du quotidien ou de celle du candidat:
«il ressentait un peu d 'inquiétude. Etre obligé d
'attendre les prochaines élections présidentielles pour se
faire entendre» (7).
Quelle forme donner à son action entre l 'élection de
1965 et la suivante?
Dans sa dernière intervention à la radio il annonce déjà
que ses « amis et moi parcourront la France après les élections
pour exposer dans chaque municipalité, dans chaque ville, et chaque
commune le scandale du logement. Nous luttons, dit-il, pour que de nouvelles
structures de l 'état soient adoptées » (8).
Au lendemain du second tour il a déjà une idée
plus précise et un plan de bataille établi pour continuer
à exister politiquement : «qu 'on n 'espère pas nous
voir créer un nouveau parti. Ce que nous allons faire c 'est surtout
la constitution, partout ou ce sera possible de groupements dans le genre
de notre ACGIS . Dans ce but nous commencerons par prendre contact dès
le mois de janvier, et région par région en commençant
par celles où nous avons obtenu le plus grand nombre de voix, avec
les personnes qui nous ont offert leurs appuis et leur collaboration. Après
cela? Nous organiserons de grandes réunions publiques d 'information
sur le logement et les moyens efficaces de se loger» (9).
Comme lors de son entrée dans la campagne, la frontière
est très faible entre son engagement politique et associatif. Il
veut profiter de ses résultats pour développer son association.
L 'accusation d 'être un candidat publicitaire se trouve en partie
vérifiée. Il transforme simplement l ' ACGIS en parti associatif,
il n 'a donc pas besoin de créer d'organisation politique. Quant
à son intention de faire un tour de France dans le sens décroissant
de ses résultats, elle est a priori fondée. Mais comme indiqué
dans le chapitre précédent, l 'écart entre ses résultats
obtenus dans les départements est très faible et il a obtenu
ses meilleurs scores dans les régions où il est déjà
connu. Donc l 'entreprise de conquête s 'annonce difficile.
Il en ressort que l 'élection l 'a bien transformé en
homme politique et qu'il entend profiter pleinement de ces deux semaines
de campagne non seulement pour faire avancer ses idées mais aussi
développer son mouvement.
Jacques Cheminade a-t-il lui aussi l 'intention de continuer son combat
politique?
Le journal Le Parisien remarque en le comparant aux autres candidats
hors parti et à Marcel Barbu qu ' «à la différence
de ses discrets prédécesseurs Jacques Cheminade entend profiter
de la publicité qu 'il s 'est faite à cette occasion pour
publier un livre : « La culture et la vie »» (10).
Accusation erronée car il n 'agit pas différement de
Marcel Barbu.
Ainsi que le candidat de 1965 vit par son association, celui de 1995
vit par ses écrits et sa maison d 'édition. Une telle entreprise,
son projet de livre, n 'est vraiment pas une plus grande utilisation publicitaire
de sa candidature que celle de Marcel Barbu. D 'autant que ce n 'est pas
un livre-témoignage.
Sur un plan plus politique, ses ambitions sont sans ambiguïté.
Dès le lendemain du second tour il fixe déjà ses objectifs
à long terme : «Jacques Cheminade est l 'un des seuls à
ne pas viser les municipales. Il se présenterait probablement aux
législatives si l 'assemblée était dissoute et affirme
se préparer pour la prochaine présidentielle» (11).
Tous les deux ont donc décidé de poursuivre leur engagement
dès la fin de l 'élection.
Mais comment ces intentions vont-elles se traduire dans les faits?
Le plan de bataille de Marcel Barbu s 'est-il réalisé
et son mouvement, n 'a-t-il connu aucun changement dans ses structures
par cette élection?
Son tour de France de 1965 pour profiter immédiatement de ses
électeurs et les transformer en nouveaux membres de son association
s 'est concrétisé par une réunion privée à
Paris à la Mutualité le 5 mars 1966 où il fait
part d 'un projet pour le mois de juillet de la même année
d 'un «congrès pour une démocratie communautaire»
(12).
Lors de cette même réunion, son tour de France est toujours
un projet mais cette fois il n 'indique plus que c 'est pour créer
des sections régionales de l ' ACGIS mais qu ' «il entendait
créer dans la France entière des comités régionaux
provisoires pour une démocratie communautaire» (13). Il est
difficile de savoir quel est l 'object réel de ces réunions,
comme de connaitre quelles conséquences en nombre d' adhérents
supplémentaires elles ont eu. Mais Marcel Barbu a bien continué
à mener une existence politique ainsi qu 'il l 'avait annoncé.
Concernant Jacques Cheminade, la campagne présidentielle a eu
des conséquences bénéfiques pour lui et son
mouvement.
La première est sur un plan personnel l 'ajout d 'une ligne
à son Curriculum Vitae sur son site internet : « en 1995,
il est candidat aux élections présidentielles françaises»
(14). Il n 'indique pas évidemment quel est son score obtenu mais
ce titre lui donne une légitimité plus importante.
La deuxième est la naissance d 'un nouveau parti politique
appelé Solidarité et Progrès « constitué
sous la forme d'une association de la loi 1901, déclaré à
la préfecture le 29 février 1996» (15). Le siège
social de ce parti tel qu 'indiqué dans ses statuts est situé
à la même adresse que celle écrite dans sa profession
de foi de 1995, marquant d'emblée un lien et une continuité
avec la Fédération pour une Nouvelle Solidarité.
La troisième est qu'en 1995, Jacques Cheminade ne revendique
que quelques dizaines de militants. Lors d 'une assemblée générale
de Solidarité et Progrès tenue en septembre 2000, ils sont
une centaine (16). Son mouvement a donc indéniablement gagné
en notoriété même si il n 'a pas subi une explosion
de ses effectifs.
Mais ce ne sont pas les seules suites de cette élection, il
a aussi subi des inconvénients.
Inconvénients qui tiennent d 'abord au rejet par le conseil
constitutionnel de son compte de campagne. Qui a pour première conséquence
que les militants lui ayant avancé de l 'argent, du fait que les
banques n 'avaient pas voulu le soutenir, n 'ont pas pu être
remboursés. Et Jacques Cheminade a aussi dû rembourser lui-même
l 'avance forfaitaire de l 'état, par l 'officialisation de sa candidature,
fixée à un million de francs. Ne pouvant pas solder ses dettes
de campagne, ses comptes bancaires et ses biens sont saisis au mois d 'août
1996 (17).
A cela s 'ajoute sa condamnation en appel en janvier 1996 à
neuf mois de prison avec sursis et le remboursement de 1 197 000 francs
concernant cette histoire de vol à une dame ayant la maladie
d ' Alzheimer. Condamnation qui augmente encore les problèmes financiers
de l 'ex-candidat et qui surtout selon lui est liée dircetement
à sa candidature. L 'avocat de la partie civile aurait notamment
comparé, pendant ce procès tenu après l 'élection,
la façon dont Jacques Cheminade avait obtenu ses 500 signatures
avec celle dont il a dû obtenir cette somme de la dame âgée
(18). Il n 'est pas question de discuter du bien-fondé de cette
comparaison mais il est certain que dans ce cas sa campagne présidentielle
a bien fourni des arguments collatéraux pour l 'accuser.
Malgré tous ces problème d 'argent, son parti est toujours
vivant en 2001 et au cours de l 'assemblée générale
tenue en septembre 2000 : «Odile Mojon présenta un rapport
sur les finances et les activités de Solidarité et Progrès.
Elle souligna (...) l’amélioration de notre situation financière»
(19).
Jacques Cheminade et Marcel Barbu ont bien réalisé leurs
souhaits de pousuivre leur carrière politique. Cette décision
a donc entrainé des changements pour eux deux dans la structure
de leur association et de leur mouvement.
Est-ce que ces changements sont aussi suivis d 'une évolution
dans la teneur de leur discours et de leurs idées?
Dès le mois de février 1966 Marcel Barbu envoie une lettre
à tous ses anciens concurrents à l 'élection de décembre
1965 « leur demandant de lui faire connaître tout sentiment
sur les trois propositions suivantes : «la parole à tous les
français, création d 'un ministère des droits de l
'homme et référendum d 'initiative populaire». Il leur
demandait également « de participer à la constitution
et aux travaux chargés d ' élaborer trois projets de
loi correspondant à ces trois propositions »»
(20).
Seuls Marcilhacy et Lecanuet lui répondent mais pas Mitterrand
sur qui il avait pourtant reporté ses suffrages. De Gaulle
par l 'intermédiaire de Burtin des Roziers, le secrétaire
général de la présidence de la république,
lui répond que sa proposition est irrecevable non pas du fait de
sa teneur mais car il n 'existe pas de statut prévu par la constitution
permettant « que d 'anciens candidats à l 'élection
présidentielle puissent être investis en cette seule qualité
du droit d ' initiative en matière législative» (21).
Les trois projets qu 'il propose sont les trois points emblèmatiques
de son programme électoral qu 'il cherche toujours à
faire appliquer même de l 'extérieur des pouvoirs en place
par l 'intermédiaire des autres candidats, faisant ainsi toujours
preuve d'un grand pragmatisme. Ce refus ne marque pourtant pas la fin de
ses initiatives. Lors de la réunion qu 'il tient à la Mutulaité
en mars 1966 il renouvelle son appel pour l '« accès aux moyens
publics d 'expression (radio, télévision) de tous les représentants
des différents courants d 'opinion, création d 'un ministère
des droits de l 'homme et instauration d 'un référendum d
'initiative populaire » (22).
Sentant peut-être qu'en ne combattant que par ces propositions,
une fois toutes les voies épuisées il peut disparaitre, il
annonce pendant la même réunion que le petit congrès
qu 'il veut réunir en juillet 1966 est notamment «destiné
à mettre au point les bases idéologiques de son régime
» (23). Auquel s 'ajoute l 'objectif pour cette réunion d
'aller vers «une démocratie communautaire», dimension
des communautés qui est donc toujours présente dans son discours.
Lors de sa campagne législative de 1967, analysée plus
loin dans ce chapitre, il renouvelle ses déclarations de 1965 quand
il est intérrogé sur la politique générale
: « que voulez vous je n 'ai pas les dossiers moi . On me cache tout
» (24).
Il est bien resté un candidat particulariste qui fait des propositions
en fonction de ses préoccupations et non d 'une analyse globale
sur la situation de la France qu 'il ne connaît pas. Il tire son
programme de son expérience mais la nouveauté pour cette
élection législative de 1967 sur un plan purement politique
est qu 'il se considère désormais comme doublement légitime.
D 'une part pour faire des analyses très politiciennes sur la
situation gouvernementale : «je suis convaincu que les prochains
mois nous verrons Pompidou rompre avec De Gaulle. Cela entraînera
un changement de gouvernement et c 'est Couve de Murville un homme plus
souple qui prendra la tête du cabinet» (25).
Mais aussi en se sentant plus qualifié que certains candidats
en lice face à lui, sans évoquer pour autant son mandat de
député de six mois en 1946 : «j 'ai cherché
en vain en quoi M Mer a transformé la vie de la France. Il n 'a
donc aucune qualification à se mêler au jeu législatif.
Moi je suis beaucoup mieux qualifié que lui. Quand à M Frederic
Dupont « c 'est un parfait conseiller municipal qui n 'a rien
a f.... à la chambre »» (26).
Mais il ne se bat pas que pour ses idées, il continue aussi à
avoir des propositions en rapport avec son engagement associatif.
Son cheminement politique ne lui donne pas de stature réconnue
pour imposer ses trois points de campagne mais il lui sert désormais
à avoir une légitimité en ce qui concerne le logement.
Un congrès tenu en juin 1967 de l ' Association de la Défense
de l ' Accession à la Propriété, qui l 'avait déjà
acceuilli pendant la campagne de 1965, adopte ainsi une réforme
de l 'ancien candidat dirigeant de l' ACGIS «selon laquelle les souscripteurs
avant même qu 'ils ne s 'engagent dans une opération d 'accession
devraient justifier de leur adhésion à un organisme susceptible
de contrôler le développement de l 'affaire et qui aurait
délégation pour une cogérance» (27).
Marcel Barbu conserve donc son vieux fond communautaire auquel se sont
greffées successivement ses idées associatives et celles
de sa campagne.
C 'est avec l 'ensemble de ces idées que son parcours personnel
a imbriqué, qu 'il construit son programme politique et ses propositions
qu 'il veut continuer à mettre en oeuvre.
L'élection présidentielle de 1995 a-t-elle aussi amené
Jacques Cheminade à ajouter une couche supplémentaire sur
son programme?
Il existe plusieurs différences avec le candidat de 1965.
D 'abord il vient avec un réel programme et une idéologie
construite avant le début de la campagne n 'étant pas que
le fruit d 'un cheminement personnel mais constituant la version française
de celle de Lyndon LaRouche. Sa marge de maneuvre est donc plus faible
après l 'élection.
Il n 'est pas étonnant que dans les statuts de son parti politique
fondé en 1996 il déclare comme objet cet objectif calqué
sur celui de sa campagne : « le parti a pour objet de combattre,
en France et dans le monde, pour la paix par le développement économique
et l'égalité des chances et contre l'usure financière
et les idéologies du sol, du sang et de la race. Il défend
pour chacun et entre les peuples le progrès matériel,
intellectuel et moral» (28).
Dans le programme général de son parti publié
sur son site internet en août 2001, on retrouve aussi plusieurs expressions
qui ont fait la singularité de son discours prouvant bien que si
le nom a changé depuis le Parti Ouvrier Européen des années
1980, l 'idéologie est toujours la même. Son but comme dans
sa profession de foi est d' «identifier l'ennemi et mener le combat»
.
La «dictature du gain immédiat» et «le cancer
financier» sont encore présents, «le système
monétaire et financier international est sur le point d'imploser»,
comme «la bulle financière». En conclusion «il
faut donc dissoudre le FMI, l'OMC et la Banque Mondiale» pour «garantir
le bien commun» (29).
Sur le fond, l' élection présidentielle n 'a pas fait
varier son idéologie d 'une virgule.
Seul un titre est désormais donné pour résumer
son programme qui résume aussi ce qu 'était son ambition
en 1995 : «notre Programme : « L'alternative »».
En est-il de même sur la forme, qui avait tant contribué
à qualifier son discours d 'obscur et innaccessible au commun des
électeurs et à la crême des jouanlistes?
Le candidat y travaille avec pour échéance l' élection
présidentielle de 2002.
D 'abord en mettant à jour ses références politiques.
L 'ouvrage pré-électoral de Jacques Cheminade pour 2002
n 'est pas une préface d 'un livre de Jean Jaurès mais un
essai sur «Roosevelt-De Gaulle-Monnet. Reprendre leur combat»
(30).
De Gaulle a pu bénéficier d 'un sursis de sept ans depuis
1995 et est toujours utilisable. Par contre Jaurès et Colbert ont
fait leur temps et sont remplacés par Monnet et Roosevelt. Mais
l 'objectif est toujours le même que dans la préface du livre
de Jaurès de 1994 : «face à une histoire qui bégaie,
nous devons reprendre le combat qu'ils laissèrent inachevé.
Le minimum est que nous redevenions porteurs d'un leadership politique
- idéal et volonté - de même trempe que le leur»
(31).
L 'intuition développée précédemment dans
ce mémoire sur l 'utilisation de ces figures historiques est confirmée
par cette phrase prononcée par l 'ancien candidat lors de son assemblée
générale de septembre 2000 : «l’idée est de
présenter des références du passé qui puissent
inspirer une autre politique dans le présent, en rupture avec
les orientations de ces vingt à trente dernières années»
(32).
Cet habillage idéologique printemps-été 2002 qui
est déjà en préparation s 'accompagne d 'un nouveau
formatage du discours pour le rendre plus accessble.
Le congrès de Soldarité et Progrès de septembre
2000 consacre ainsi une journée à la formation des militants
pendant laquelle «Cheminade indiqua le moyen à utiliser pour
vraiment gagner les gens à nos idées car tel est le défi
immédiat posé à tous les assistants à l’AG»
(33).
Ce nouveau moyen et cette méthode sont expliqués ainsi
dans une envolée lyrique digne des évangélistes qui
détiennent la Vérité : «il ne suffit pas de
réciter des formules pour convaincre; au contraire, l’effort militant
s’exprime par la métaphore, seule capable de transmettre des idées
fondamentales. A l’aide de la méthode socratique, en amenant l’autre
à reconnaître un paradoxe puis en lui montrant la voie vers
la solution, le « militant » devient véritablement un
artiste. Il exerce ses capacités mentales en développant
l’autre, il le sort de la caverne de ses idées fixes pour l’amener
au monde du changement, de la découverte, des « idées
» vivantes» (34).
Jacques Cheminade veut donc s 'éloigner des arguments de campagnes
hérmétiques de 1995 qui l ' avaient classé comme inclassable.
Mais «comment parler de Platon et Socrate au commun des mortels
sans passer pour des hurluberlus?, a voulu savoir une dame qui vient de
se lancer dans la campagne avec un grand enthousiasme» (35).
Nul besoin d 'en rajouter sur cette affirmation et interrogation. Si
cinq cent parrains sortent de la caverne de leurs idées fixes, le
commun des mortels jugera en 2002.
Sur le plan politique et idéologique Marcel Barbu et Jacques
Cheminade ont véritablement connu un nouvel élan et souffle.
Pour tous les deux, sur le fond ou la forme, cette candidature leur a apporté
une expérience supplémentaire qu 'ils ont fait fructifier.
Cet élargissemnt de leur espace politique leur a-t-il ouvert
un nouvel espace médiatique?