Pour arriver jusqu 'au lecteur, le message du candidat passe obligatoirement
par le journal.
Mais cet intermédiaire n 'est pas neutre, il joue un rôle
primordial dans la transmission et la perception du discours.
La presse est le média interférant par excellence, celui
qui ajoute une couche supplémentaire au message, pour fournir des
éléments d 'analyse aux lecteurs.
Mais pour des hors parti inconnus des électeurs, est-ce que
la parole du journaliste ne couvre pas et n 'oriente pas celle du candidat
en fonction seulement des caractéristiques du journal au risque
de modeler le message pour le faire entrer dans des cases de pensée
déjà existantes?
Le journal Combat, en parlant de la candidature de Pierre Marcilhacy
en 1965 explique ainsi le rôle tenu par le filtre journalistique
: «au lieu d 'en faire un personnage, au lieu de donner à
sa désignation à la candidature une ampleur et un poids indispensables
, la presse l 'a ignoré » (1).
Les lecteurs ne bénéficiant pas d 'a priori ni de grille
de lecture du message de Marcel Barbu et Jacques Cheminade, quel personnage,
quelle ampleur et quel poids leur ont donné les journaux?
A partir de quels éléments et critères étudier
la manière dont la presse a choisi de les présenter?
Il existe des signes directs, les plus importants et visibles, par
lesquels les journaux avancent à visage découvert pour défendre
ou attaquer les prétendants ou leurs idées, comme les éditoriaux
ou les analyses de prestations télévisuelles.
Il y a aussi des signes indirects qui ont une influence réelle
sur l 'électeur comme le choix d 'un titre, ou des adjectifs et
références pour qualifier et classer ces prétendants.
Enfin le courrier des lecteurs et les reportages de réactions
de téléspectateurs ou d 'électeurs ne sont pas à
négliger non plus. Car non seulement ils permettent d 'étudier
le retour des lecteurs sur la façon d 'analyser du journal mais
ils l 'influencent aussi par un effet certain d 'identification.
C 'est selon ces trois angles que ce chapitre déterminera comment
le message est passé du candidat au journaliste et a été
transformé pour arriver jusqu ' au lecteur électeur.
- Section 1 - Les signes directs de présentation du candidat à l '(é)lecteur
Les signes directs accompagnent et prennent dans un étau Marcel
Barbu et Jacques Cheminade de leur déclaration à leur disparition.
Dès l 'annonce de leur engagement, la façon de les présenter,
de juger de leur utilité et des problèmes posés
par leurs apparition est-elle déjà une indication sur la
ligne directrice choisi par les journaux, si cette ligne existe et est
bien droite?
Est-ce que les analyses sur leurs prestations télévisées,
leurs déclarations ou leur programme ont fait varier cette appréciation
initiale et dans quel sens?
Pour ce qui est de Marcel Barbu, les quotidiens ont deux grands points
communs sur leurs réactions lorsque le candidat est intronisé
par le conseil constitutionnel.
Le premier est dû à la surprise même posée
par sa candidature et les questions qu 'elle pose.
Aucun quotidien, aucun hebdomadaire n 'avait envisagé avant
Marcel Barbu que l 'élection puisse servir de moyen à
un « simple citoyen » de devenir candidat (2).
Le Monde, L ' Express, Minute, Combat ont tous leur article pour comparer
combien Marcel Barbu aurait dû débourser pour parler
à la télévision autant de temps ou pour réclamer
une nouvelle loi électorale qui soit un réel filtre éliminant
les imprévus (3). Le Monde propose par exemple de « demander
trois cent signatures d 'élus répartis dans trente départements
» (4).
Pour La Croix faire en sorte qu 'elle ne se reproduise pas est
même la principale utilité de cette candidature. La raison
est exprimée sans détour : «le monde comptant beaucoup
d ' incompris, nous risquerions la prochaine fois de voir deux ou trois
candidats authentiques noyés sous un flot de Barbu »(5).
Est-ce que le fait justement que cette apparition soit une surprise totale
conduit dès les premières éditions la plupart des
quotidiens à en conclure qu 'elle n 'est pas normale, authentique
ou utile?
L 'autre trait commun est qu ‘ il n 'y a généralement
pas d 'attente des déclarations du candidat ou de ses prestations
télévisées pour qu 'une impression d 'ensemble se
fasse jour.
L ' Aurore, Le Figaro, L ' Humanité et la Croix considèrent
dès leurs éditions du 17 ou 18 novembre 1965 que Marcel Barbu
est un postulant en trop (6).
Tous ces journaux jugent que cette candidature n 'est pas inutile
par rapport à ce que propose le hors parti mais en fonction de la
structuration de l 'électorat français, comme si il n 'y
avait pas de place pour un nouveau candidat quel qu 'il fût, ceux
dans la place se répartissant déjà tous les électeurs.
Mais bien sûr il y a des nuances selon les journaux. Pour La
Croix il y a « six candidats engagés dont deux ou trois de
trop », pour L ' Aurore quatre candidats suffiraient « pour
exprimer la diversité de l 'opinion français », selon
Le Figaro « seuls quatre candidats auront contenance aux yeux
du corps électoral » (7). L 'Humanité a une position
encore plus tranchée, jouant le second tour avant le premier :
« six candidats ? Non, deux. Les quatre autres candidatures semblent
en effet fabriquées sur mesure pour mieux souligner celle de De
Gaulle » (8).
Les autres journaux attendent les premières manifestations du
candidat pour tirer des conclusions finalement aussi définitives
et semblables.
Combat attend jusqu 'au 20 novembre et Le Monde jusqu 'au 23 pour annoncer
qu ‘ « il n 'y a décidément que deux candidats de l
'opposition et non cinq» (9).
Mais il s 'agit plus du déroulement logique d 'une campagne
où l 'écrémage se fait au fur et à mesure et
non par la décision anticipatoire d 'un journal qui met déjà
ses lecteurs en condition avant que Marcel Barbu fasse connaître
le sens de son engagement.
Il reste à déterminer si la façon de le traiter
est déjà tracée et ne va pas bouger.
Sa première prestation télévisuelle est généralement
le grand tournant qui renforce les journaux dans leurs positions et amène
à des conclusions irréversibles.
Les appréciations de tous les quotidiens et hebdomadaires quelle
que soit leur tendance face à la l 'apparition de Marcel Barbu
à la télévision sont quasiment toutes négatives
ou faussement neutres.
Confirmant d 'abord ce que les organes ont établi avant même
qu 'il s 'exprime : Marcel Barbu n 'est pas un candidat mais bien un intrus.
Ils sont aidés par le principal intéressé qui
lors de sa déclaration confirme bien qu 'il est là grâce
à un petit trou dans la loi et non grâce à cent signatures
comme les autres.
Aurait-il été influencé par les premières
déclarations des journaux pour affirmer cela à la télévision
ou en aurait-il eu conscience autrement?
Impossible à dire mais cette intrusion avouée fut le
principal point d 'analyse de la presse qui prit un ton allant de l 'ignorance
arrogante à une certaine violence.
L ' ignorance arrogante de L ' Humanité dont le seul compte-rendu
de son apparition fut trois lignes : « nous ne parlons pas de M Barbu
sinon pour déplorer que le système électoral gaulliste
puisse permettre une exhibition aussi affligeante visiblement destinée
à discréditer le suffrage universel » (10). La Nation
va dans le même sens mais évidemment sans en accuser le général
et avec plus de sobriété : « on dit que M Barbu déconsidérait
l 'affaire. C 'est effectivement vrai et l 'on prendra sans doute des dispositions
pour qu 'un candidat de ce genre ne puisse plus se présenter»
(11).
Le journal Combat est sans contestation le plus péremptoire
sur les conséquences de cette loi bâclée faisant de
Marcel Barbu un homme ridiculisant son statut de candidat : «ce n
'est pas tant la personnalité des candidats qu 'il faut mettre en
cause, que le principe retenu pour le mode d 'élection du président
de la république. Ce qui a été ridiculisé c
'est également la fonction du président de la république.
On a vu sur l ' écran un admirable illusionniste [Tixier–Vignancour]
et un pantin grotesque. Ils sont candidats à la présidence
de la république» (12).
Sur la forme, le discours de Marcel Barbu et sa façon de s 'adresser
aux électeurs tranchent réellement par rapport à ses
opposants (13). Les commentaires suivent généralement celui
de France-Soir se contentant de décrire sans avoir besoin
d 'en dire davantage : « il lit un texte dans lequel par trois fois
il s 'est perdu (...) Pas de formules empruntées, ni de style pompeux»
(14).
Seul Le Figaro a un positionnement original, ne cherchant pas à
mettre l 'élection présidentielle au niveau de Marcel Barbu
mais plutôt l 'inverse.
Sur l ‘ aspect de son discours d 'abord, son amateurisme est presque
vu comme un avantage par rapport aux autres, même si cela le rend
sympathique plutôt que légitime ou sérieux : «
il a l 'air d 'un amateur. Cela ne fait pas sérieux. Mais justement
si, c 'est précisément cela qui fait sérieux. Le fait
de ne pas être orateur, de ne pas y prétendre, de lire en
partie son discours, d 'hésiter, d 'accrocher, de prendre son temps
sans arrière-pensées d 'effets suscite l 'attention, provoque
une certaine sympathie » (15).
Mais surtout ce quotidien est le seul à lui demander de se comporter
en candidat et donc de présenter un vrai programme de gouvernement
: «de programme, il ne fut pas question hier soir. Peut-être
nous le présentera-t-il dans une prochaine émission. Si programme
il y a» (16).
Plusieurs journaux cantonnent déjà le candidat, parfois
dès son apparition, dans le rôle de l 'intrus. Sa première
émission télévisée ne fait donc qu 'entériner
cette impression.
Sa deuxième allocution est celle du tournant, c 'est le moment
où il prend sa candidature au sérieux, où il annonce
un programme.
Ce changement a-t-il contribué à faire changer
la presse d 'avis ou le sillon de sa perception est-il déjà
trop profond pour que la presse prenne elle aussi sa campagne au sérieux?
L ' Humanité dans la retranscription de cette deuxième
émission ne rapporte même pas le moment où il indique
son évolution, La Nation l 'accompagne seulement d 'un «(sic!)»
ironique (17).
Les autres journaux ne donnent pas à Marcel Barbu un nouveau
statut de candidat, n 'écrivent pas un mot d 'analyse sur ce changement
et ne lui donnent aucune ampleur.
Il semble que son positionnement était déjà trop
net, car seulement Minute et Le Figaro relaient réellement ce changement
de cap. Le Figaro qui réclamait un programme se félicite
enfin que le candidat l 'évoque en regrettant qu 'il ne le dévoile
pas : « mais le programme? Et bien ce n 'était pour hier qu
'un horaire. Un rendez-vous pour les prochaines émissions radiodiffusées
et télévisées de l 'orateur, qui mûrit soigneusement
ce qu 'il proposera aux électeurs. Attendons encore quelques jours
pour savoir comment il entend asseoir son programme » (18). Quant
à Minute qui l 'avait rangé et cloisonné dans le rôle
du candidat publicitaire, ce revirement est très mal perçu
et est même dénoncé comme anormal : «ce qui paraît
inquiétant (...) c 'est son « virage » de mardi soir.
Quand il eu l 'air de prendre au sérieux (...) il risque de sombrer
dans le ridicule. Bravo, monsieur Barbu! (...) Vous avez réussi
votre coup. Quand vous aurez bien expliqué votre petite affaire,
ne nous parlez plus de l ' Elysée» (19).
Les autres journaux ne sont pas aussi francs que Minute et ne révèlent
pas à leurs lecteurs que le candidat échappe au rôle
que la presse lui a confié. Jusqu 'au premier tour il conserve généralement
son visage à une face de citoyen arrivé dans l 'élection
par un hasard de la loi pour révéler ses problèmes
particuliers.
A la veille du premier tour La Croix explique très clairement
cette utilité de Marcel Barbu dans la campagne : « il
n 'aura peut être pas été tout à fait inutile
de sacrifier quelques heures d 'antenne et quelques millions d 'anciens
francs de papier au profit d 'un citoyen désireux de dire comme
n 'auraient su le faire aucun vrai candidat ce que beaucoup pensent des
routines et des tracasseries d 'une administration souvent sans âme
»(20).
France-Soir, L 'Aurore et Le Parisien ne le présentent pas différemment.
Par le faible nombre d 'analyses présent dans ces journaux sur sa
candidature, la première impression est aussi la dernière.
Ainsi dans sa dernière édition avant le premier tour France-Soir
indique simplement à ses lecteurs que Marcel Barbu : «semble
avoir essentiellement voulu en se présentant attirer l 'attention
du public sur les difficultés que rencontre son association de logement
en conflit avec plusieurs municipalités de la région parisienne
»(21).
L ' Humanité et La Nation par leur aspect partisan, ne lui donnent
pas un poids ni un écho journalistique. Le journal gaulliste arrivant
aux même conclusions que La Croix et le quotidien communiste,
faisant preuve d 'un relatif manichéisme, transforme la coupure
entre De Gaulle et l ‘' opposition en une nouvelle entre le candidat
de la gauche et ceux du gaullisme, faisant ainsi de Marcel Barbu un candidat
qui soutien le général. Ainsi il suffit que La Nation reconnaisse
simplement que Marcel Barbu est «manifestement sincère »
pour que ce soit perçu par L ' Humanité comme de la «
propagande en faveur de M Barbu »(22).
Le Figaro lui témoigne bien un intérêt et une tentative
de le hisser au même niveau que les autres candidats. Mais cette
intention s ' accompagne toujours d ‘ un paternalisme bien peu bénéficiaire
pour Marcel Barbu. Cette double présentation se résume parfaitement
dans cette phrase : « personnellement j 'avais éprouvé
une certaine sympathie pour le candidat le plus modeste et le moins intoxiqué
par l 'éloquence. Je voulais encore l 'encourager comme on encourage
un petit coureur de 10 000 mètres deux fois doublé par les
champions , qui continue malgré son essoufflement visible »
(23). Il y a cette impression que l 'encourager ou répercuter ses
idées n 'engage pas politiquement le journal et représente
pour ainsi dire une bonne action.
Restent Le Monde et Combat, les deux journaux où Marcel Barbu
a le plus de surface, les deux seuls aussi a avoir consacré de vrais
articles partisans sous la forme de deux longues tribunes libres (24).
L 'article paru dans le Monde écrit par la directrice du journal
« Révolution syndicaliste » aux convictions humanistes
proches de celles du candidat, retrace son parcours professionnel en insistant
sur ses idées communautaires avant de conclure plus par un souhait
incantatoire que par un pronostic : « la voix des sans voix (....)
pourrait peut-être bien le cinq décembre éclater comme
un coup de tonnerre oublié. Si cela arrivait, ça serait beau.
Et pourquoi pas? » (25).
Mais hors de cet article qui assurément donne un réel
poids à Marcel Barbu, présentant sa campagne dans la continuité
presque logique de son parcours idéologique et non comme une intrusion
d 'un promoteur immobilier se battant aveuglément contre l 'administration,
le journal a globalement suivi la ligne éditorial des autres, le
laissant au niveau du candidat anecdotique qui « n 'est
pas tout à fait un fantaisiste »(26).
L 'article de Combat est un savant mélange d'analyse pertinente
de la façon dont Marcel Barbu a été traité
par les médias et d 'hagiographie. Dans ses attaques il touche souvent
juste. Remarquant sur les origines populaires du candidat qui ont été
si préjudiciables dans son traitement journalistique : «on
voit mal pourquoi un industriel candidat à la présidence
de la république serait moins réaliste en politique qu 'un
avocat candidat ou un général candidat»(27).
Le mode d 'opération des journalistes pour le présenter
est analysé ainsi : « au lieu de chercher à comprendre
l 'expression d 'une pensée neuve, ces chroniqueurs 'efforçaient
de saisir ici ou là tel ou tel détail leur permettant de
classer le candidat communal dans leurs catégories politiques habituelles.
De là leur colère et leur volonté de négation
» (28).
L 'ampleur de sa candidature est mise en perspective : « les
conditions de la candidature de dernière heure de M Barbu en font
dès maintenant une performance unique dans les annales de la vie
politique française. Par ailleurs aucun spécialiste n 'oserait
prétendre que cette performance là se trouvait à la
portée de n 'importe quel chien battu » (29).
Il y a là de vrais points d'un débat qui ne se fera pas.
Aucun autre article, aucun autre journal n 'élèvera les
mêmes protestations ni les contestera. Ce qui est peut être
dû au fait que cet article de Combat est écrit après
le premier tour et que l 'actualité du second a chassé
les vaincus. Mais la non-répercussion de ces critiques tient sûrement
aussi à l 'article lui-même. Car ces appréciation sont
contrebalancées par une présentation trop valorisante qui
fait passer les remarques plutôt objectives pour partisanes tant
l 'article est orienté en faveur de Marcel Barbu. Si bien que l
'impression générales noie les critiques raisonnable sous
la passion du rédacteur.
Sur ses années de résistance il y a cet extrait déjà
cité dans la première partie de ce mémoire :
«trois mois durant il devait faire régner l 'ordre, empêcher
le pillage, ramasser les cadavres, soigner les blessés, assurer
le ravitaillement de la population », son maquis du Vercors est comparé
aux « kibboutz israéliens de la frontière jordanaise
»(30).
Son programme est jugé « concret, réaliste, réalisable
immédiatement », et l 'article conclut notamment par : «
M Marcel Barbu devra maintenant prouver à la nation qu 'il est bien
cet homme d 'action et ce penseur politique dont la forte personnalité
n 'a jamais été discutée » (31).
Contrairement à Le Monde dont la tribune libre est un signe
de la pluralité politique du journal plus que d 'un traitement réel,
Combat est le seul quotidien ou hebdomadaire au cours des deux semaines
de campagne à donner du sens a sa candidature.
D 'abord en lui ouvrant un espace dépassant le cadre réglementaire
et réalisant dans son édition du 29 novembre 1965 un vrai
travail journalistique, lui consacrant une page entière et cinq
articles avec une entrevue, la seule publiée tous journaux
confondus, un portrait, son programme, un reportage et une analyse (32).
Mais surtout là où les autres journaux considèrent
que Marcel Barbu est en trop par rapport à la structure et à
l 'échantillon des tendances politiques, Combat attaque sa candidature
sous un angle précis pour lui donner un parti, une ambition et même
un électorat.
Le déclic a lieu lors de la première intervention télévisée
du prétendant lorsque celui-ci annonce qu 'on veut le faire taire
et que le ministre de l 'intérieur souhaite lui régler
son compte. Par cette intervention Marcel Barbu devient pour Combat «
le candidat de l 'immense parti des persécutés » (33).
Les autres interventions, la prise au sérieux de sa candidature
ne changeront plus cette catégorisation et vont au contraire servir
au journal pour la développer et l 'approfondir au cours de deux
grandes analyses publiées le 21 et le 29 novembre 1965 qui
servent de ligne éditorial pour le traitement de sa campagne. La
première analyse pose les bases estimant que «M Marcel
Barbu porte sur le devant de la scène politique le grand combat
(...) contre les « Ils » (...) Mais M Marcel Barbu est là
pour vous défendre (...) Le grand parti des persécutés
va s 'unir. La constitution de la cinquième république a
ouvert les profondeurs psychiatriques de la France » (34).
Mais la seconde analyse n 'est plus du tout ironique. A l 'approche
de l 'élection sa candidature est désormais théorisée.
D 'abord avec une cause très précise à son apparition
qui ne vient pas de la volonté de Marcel Barbu de se présenter
mais de De Gaulle: « M Barbu est une créature du règne
gaulliste parce que c 'est le général De Gaulle qui en réduisant
à l 'impuissance les intermédiaires politiques traditionnels
a ouvert la scène nationale à l 'inexorisme , à l
'inexprimable » (35).
Ensuite avec un électorat à l 'image que le journal s
'est fait du hors parti : «M Barbu est dangereux. Malhabile, hésitant,
isolé il est fort parce qu 'il suffit de se faire reconnaître
par les malhabiles, les hésitants, les isolés et de les rassembler
pour en faire une force»(36).
Enfin dans une envolée lyrique et catastrophiste sur les conséquences
de sa candidature : «le général De Gaulle a joué
un mauvais tour à la communauté des maîtres de l '
Histoire à laquelle il appartient : il a amené M Barbu
qui est peut être Spartacus et qui peut être bien pire encore,
parce que les esclaves à qui l 'on n 'avait jamais fait de promesses
étaient peut être moins redoutables que ces humiliés
à qui l 'on a tout promis» (37).
Pour ce candidat qui n 'était pas prévu et qui
n 'a pas de parti existant, le journal a trouvé logique d ' inventer
un parti qui est comme lui dans la foule et qu 'il rassemble non
par ses qualités mais ses défauts en comparaison des autres
prétendants.
Il y a là l' image du journaliste qui voit le peuple de haut
et pense qu 'il existe des français cachés qui « sont
sans nom, sans nombre, on ne sait pas qui ils sont, où ils sont
: ils sont innombrables dans la France déshéritée.
Ils sont dissimulés parmi les français modestes»(38).
Il est également frappant c 'est que ce journal reprochait à
Marcel Barbu son combat contre les « Ils » du pouvoir
en les remplaçant par les « Ils » du peuple, offrant
un jeu de miroir troublant et ouvrant là aussi les profondeurs psychiatriques
de la France dont l 'analyse dépasse le cadre de cette étude.
Les articles publiés par Combat s 'accompagnent au final d 'un
vrai traitement de fond sans pour autant offrir un soutien réel
à Marcel Barbu .
C 'est le seul journal à avoir réellement donné
un sens journalistique et amené vers l 'électeur autre chose
que la parole brute du candidat en étant parti d 'une de ses déclarations
et non d 'a prioris même si au final la théorisation
a sûrement été trop poussée.
Pour ce qui est de l 'ensemble des quotidiens et hebdomadaires les
signes directs ont clairement identifié le hors parti en avançant
à visage découvert par les éditoriaux et analyses.
Globalement la presse n 'a pas montré de réel intérêt,
n 'a pas pris de grandes positions.
Le fait que Marcel Barbu se présente comme le candidat
du logement et reconnaisse son intrusion par un défaut de la loi
ont été déterminants dans son traitement journalistique.
Est-ce que les journaux en 1995 ont publié des analyses directes
aussi claires et généralement uniformes sur Jacques Cheminade
?
En premier lieu, sa déclaration de candidature n 'a pas soulevé
les mêmes polémiques. Aucun journal n 'a demandé une
réforme de la loi électorale supplémentaire à
celle de 1976 qui avait pour but que l 'élection ne se transforme
pas selon l 'expression d'Alexandre Sanguinetti en « concours Lépine
de la politique » (39).
A cela une raison principale quasiment reprise par tous les journaux
et que résume bien Libération : « Jacques Cheminade
a réussi là ou l 'écologiste Antoine Waechter et le
régionaliste Max Siméoni ont échoué »
(40). Le filtre a donc marché car même une personnalité
politique nationale reconnue n 'a pas pu atteindre le quorum indispensable.
La question qui se pose pour 1995 n 'est pas de trouver une solution
pour éviter qu 'à l 'avenir un candidat inattendu puisse
concourir mais plutôt de comprendre par quels moyens Jacques Cheminade
a pu réussir à obtenir l 'accord de cinq cent élus
dont aucun ne représente ouvertement son mouvement .
Sur le fond, le fait qu 'un prétendant n 'ayant pas participé
à la pré-campagne médiatique puisse participer à
la campagne électorale pose toujours des interrogations aux journalistes.
Comme si il était anormal que la légitimité et
l 'intronisation ne puisse venir que des parrains sans passer par eux.
Ainsi que l ‘ écrit Le Monde : «un inattendu, enfin, a déclaré
être parvenu à se glisser dans le club des candidats »
(41).
La liste des candidats est bien d 'après la presse un club ou
une caste où les billets d 'entrée doivent être fournis
par la sphère médiatique.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le jugement
sur Jacques Cheminade est le même que sur Marcel Barbu. Le
nouveau postulant est un candidat publicitaire. Comme si l 'ambition
d 'un hors parti ne pouvait pas être de nourrir le débat politique,
d 'apporter une voix différente sans pour autant être accusé
de vouloir profiter de cette tribune pour accroître seulement sa
notoriété et celle de son mouvement . Ce qui n 'est évidemment
pas le cas des autres candidats, petits ou grands.
France-Soir et le Parisien présentent clairement sa candidature
sous cet angle publicitaire dès l 'ouverture de la campagne officielle
(42).. Le Figaro, Le Monde et encore Le Parisien ne la présentent
pas différemment à la veille du premier tour (43).
Est-ce la campagne qui a donné raison au Parisien ou est-ce
la ligne éditoriale qui était déjà tracée?
Le Parisien est aussi le seul à faire remarquer que Jacques
Cheminade a été le premier à déposer les cinq
cent signatures, les autres quotidiens ne voulant peut-être pas avoir
à se justifier de leur mutisme entre le vingt mars et le sept avril.
En 1965 les journaux avaient été pris de court par Marcel
Barbu. Cette fois ils ont eu deux semaines supplémentaires potentiellement
mises à profit pour préparer la façon dont ils présenteraient
le hors parti. Allaient-ils comme le souhaitait Jacques Cheminade au moment
de son engagement le présenter comme le candidat de ses idées
ou au contraire celui de sa biographie? Comme indiqué dans le chapitre
précédent, la plupart des articles le concernant ont été
moyens ou longs et n 'ont été, comme pour Marcel Barbu, que
dans une faible proportion consacrés à son programme.
Marcel Barbu est essentiellement présenté aux lecteurs
comme le promoteur immobilier en butte contre l 'administration et le pouvoir
venu dans l 'élection dénoncer le problème du logement.
Quels qualificatifs d 'ensemble ressortent des analyses publiées
sur Jacques Cheminade?
L 'hebdomadaire L 'Express synthétise admirablement quels ont
été les sujets de traitement médiatiques de sa campagne
: « entre sa condamnation pour vol, ses amitiés étranges,
ses organisations bigarrées et les regrets de certains des maires
qui lui ont apporté leur parrainage, le candidat de la Fédération
pour une nouvelle solidarité (FNS) s’expose aux questions dérangeantes
» (44).
Tels ont été en effet les thèmes quasiment exclusifs
de toutes les questions, enquêtes et reportages consacrés
au candidat.
Jacques Cheminade est présenté de la même façon
par tous les journaux qui lui vouent tous les mêmes articles sur
ses cinq cent signatures, sa condamnation pour vol, son mouvement
mystérieux et ses relations avec Lyndon LaRouche .
Il est indéniable que sur tous ces aspects un véritable
travail journalistique a été effectué pour présenter
le plus complètement possible aux électeurs ce candidat inconnu.
Libération ou Le Monde ont par exemple réalisé des
enquêtes très complètes et concordantes pour démontrer
la façon dont il a obtenu ses signatures (45).
Jacques Cheminade ayant eu un mutisme complet sur sa condamnation pour
vol, les journalistes ont pleinement rempli leur rôle en dévoilant
son passé qui est un des critères que les électeurs
peuvent légitimement prendre en considération au moment du
vote.
Bien sûr comme en 1965 il y a eu des nuances selon les caractéristiques
de chaque journal qui ont parfois contribué à ne le présenter
que sous l 'aspect du dissimulateur ou de l 'obscur. Là où
France-Soir consacre un renvoi d 'article en une vers un article très
complet de trois colonnes sur une demi page sur sa condamnation à
de la prison avec sursis, L 'Humanité la traite presque comme un
fait divers de petit malfrat avec une brève de cinq lignes publiée
à côté de l 'agression d 'un élu communiste
en Corse (46).
Sur le caractère sectaire de son mouvement, La Croix, comme
la plupart des journaux, est prudente reconnaissant qu ‘«à
l 'association de défense de la famille et de l 'individu ( ADFI)
qui lutte contre les sectes, on surveille d ' ailleurs les activités
de Jacques Cheminade. « On s 'est intéressé à
lui car certains termes font « tilt ». Mais nous n 'avons aucune
preuve du caractère sectaire du mouvement », reconnaît
un responsable» alors que Charlie Hebdo annonce simplement par un
ton informatif excluant la discussion que « pour la première
fois un représentant des sectes sera candidat à cette élection
en France » (47).
Concernant les parrainages, Infomatin croit utile d 'ajouter
que « les mauvaises langues prétendent qu 'il a su convaincre
a coup d 'arguments sonnants et trébuchants certains des 543
maires » (48).
L 'information n 'est pas prouvée et n 'est reprise par aucun
autre journal mais l 'effet volontaire ou non est de semer le doute chez
le lecteur.
La grande différence avec le traitement journalistique de 1965
est que ces enquêtes n 'ont été suivies que de très
peu d 'analyses sur le candidat, l 'exposé des faits a visiblement
été suffisant et directif pour le lecteur sans que les éditoriaux
ou les billets d 'humeur aient besoin d 'en rajouter.
Tous journaux confondus il n 'y a eu que deux véritables (courtes)
analyses sur sa campagne. Si elles ont été rares, elles n
'en ont pas moins été très directes et surtout révélatrices
sur la façon dont les hebdomadaires et quotidiens ont décidé
de traiter Jacques Cheminade.
La première est un éditorial en première page
de Philippe Bouvard dans France-Soir sur l 'ensemble de sa candidature,
la seconde une analyse par Arnaud Viviant de ses prestations télévisuelles
qui offrent les mêmes angles d 'attaques (49).
Sur le poids du candidat il est qualifié par France-Soir de
« candidat zéro » et par Libération de
« non-candidat candidat » (50).
Sur l 'influence présumée de son poids électoral
dans son traitement médiatique, Arnaud Viviant montre une ironie
qui n 'est sans doute pas loin de la vérité : « tous
les journalistes le détestent Jacques Cheminade. Ils lui font
perdre leurs temps précieux. Les nouvelles attendent : un ferry-boat
coulé, un match du PSG, une nouvelle tentative de record en catamaran,
qu 'est-ce qu 'il croit avec 0,5 % d 'intention de vote? » (51).
L 'éditorial de France-Soir est encore plus clair sur les trois
éléments du cercle vicieux médiatique que doit
affronter Jacques Cheminade : « inconnu au bataillon politique, n
'intéressant rigoureusement personne, crédité d 'une
absence totale d 'intentions de vote »(52).
Evidemment le candidat hors parti étant inconnu, il ne peut
être crédité que d 'une absence d 'intentions de vote
en s 'engageant, il y a là une logique indiscutable.
Mais il y a un pas avoué dans cet éditorial et un certain
amalgame que les analystes ont fait et franchi sur la différence
entre la non connaissance et le manque d 'intérêt dont la
corrélation n 'est pas évidente.
C 'est aussi du ressort du journaliste que de relayer un candidat,
même si il est inconnu et surtout si il est inconnu, et de ne pas
décréter une semaine seulement après l 'acte de candidature
et surtout une semaine avant les résultats des urnes que Jacques
Cheminade est un « zombie du suffrage universel »(53).
Est-ce que cette transmission et présentation vers le lecteur
électeur par le journaliste ne s 'est effectivement pas faite?
Sur le candidat il y a eu un réel intérêt et une
volonté quasi unanime de le faire connaître avant le premier
tour par des enquêtes et des articles parfois très approfondis
sur ses parrainages ou son mouvement.
C 'est sur la candidature que ces quelques lignes d 'éditorial
prennent tout leur sens et se confirment dans les faits.
Une étude d 'ensemble et de chaque journal confirme que la presse
n ' a absolument pas relayé ses idées, n 'a pas
donné d ' ampleur ni contribué à éclaircir
le message du président de la fédération pour une
nouvelle solidarité.
Surtout Jacques Cheminade n 'a pas été victime
d 'un mutisme, comme l 'avait été le tournant de la campagne
de Marcel Barbu, mais les journaux volontairement ou non, ont présenté
son programme comme incompréhensible pour eux, qui pourtant
sont au coeur de la transmission compréhensible des idéologies
politiques de tous bords.
Les rares commentaires sur les émissions télévisées
réglementaires sont à cet égard éclairants.
Le Figaro se demande « où veut en venir le plus obscur
des candidats? » et ce n 'est pas Infomatin, Le Parisien, ni même
le Monde qui sont disposés à répondre (54). Pour le
quotidien d ' André Rousselet : «plus il parle, moins on comprend
où il veut en venir », Le Parisien emploie le ton du
téléspectateur circonspect : « au fait, il veut dire
quoi exactement, le monsieur Cheminade? », le journal de référence
enfin, habitué au déchiffrage politique est aussi dérouté
mais tente de se rassurer par un laconique «on comprendra sûrement
plus tard » (55).
Est-ce que cette incompréhension allait conduire les journaux
à employer les mêmes longueurs de colonnes pour tenter d ‘expliquer
cette idéologie hermétique que celles déployées
pour sa condamnation pour vol?
En réalité, ce qui a surtout intéressé
la presse c 'est de savoir si Jacques Cheminade était de gauche
ou de droite. Contrairement à 1965 où la coupure était
entre De Gaulle et ses opposants, en 1995 il y a eu un besoin de classer
l 'inconnu du bataillon politique dans les cases déjà existantes.
Malheureusement l 'éventail de ses références
politiques ne rend pas les choses aisées.
Où classer un candidat qui se réclame de Jaurès
et De Gaulle en rejetant leurs héritiers?
Ses amitiés avec Lyndon LaRouche ont fait classer prudemment
son mouvement proche de l 'extrême droite, pas de manière
officielle mais par des ficelles journalistiques visibles, comme l 'illustre
cet extrait de Libération : « si Jacques Cheminade se défend
d 'appartenir à l 'extrême droite (...), il se proclame dans
sa profession de foi ami et collaborateur du dirigeant politique américain»
(56).
Mais l 'opposition revendiquée de la part du candidat à
toute idéologie de sang, de race et de sol et ses déclaration
réitérées sur l 'obsolescence de la coupure droite
/ gauche n 'ont pas facilité la mise d 'une étiquette. Les
journaux ont donc dû se contenter de le déclarer inclassable,
comme en conclut Charlie Hebdo il est le candidat « des trotskistes
libéraux d ‘extrême droite » (57).
Un des effets est aussi de montrer qu 'il n 'a pas d 'électorat
pour le soutenir. Jacques Cheminade n 'a pas eu son journal Combat pour
lui inventer un parti des persécutés.
Une fois ce positionnement politique général établi,
les analystes ont-ils été tentés d 'entrer dans
le détail de son programme ?
La réponse est non. Ils ont globalement suivi l 'exemple du
Monde : « après avoir lu des centaines de pages signées
LaRouche et Cheminade, un observateur attentif ne peut que s'interroger
sur l'idéologie que les deux hommes disent partager» (58).
Il n 'est pas question de discuter ici en un mot de la complexité
ou non du discours de Jacques Cheminade, les chapitres précédents
ont déjà pu donner des indications.
La presse a fait du mot « complexe » l 'adjectif principal
pour décrire son programme ce qui a formé une barrière
facile pour ne pas essayer de décrypter ce discours et en démêler
les fils.
L 'exemple de la Croix est très significatif, annonçant
sur une même page que son programme est « un joli fourre-tout
idéologique », et en même temps que le candidat a publié
deux programme thématiques sur l 'agriculture et l 'espace dont
le journal n 'a aucun mal à extraire des propositions concrètes
jugeant même son programme spatial « très détaillé
» (59).
De même Le Figaro en comparant les programmes de tous les candidats
point par point annonce notamment que pour le SIDA, l'éducation
et les salaires Jacques Cheminade ne fait pas de propositions significatives,
ce que contredit sans contestation sa profession de foi(60).
En fait il a eu le même problème que Marcel Barbu, la
forme et l 'emballage de son discours ont été rédhibitoires.
Mais là où le candidat de 1965 tranchait par son ton
simple et familier, pour celui de 1995 c 'est plutôt l 'inverse.
Arnaud Viviant dans son analyse le qualifie de « serviette-éponge
dialectique sortie de l ' ENA » (61). Il est vrai que la façon
de s 'exprimer du candidat est largement influencée par son passé
d 'énarque Et pour certains journaux la tentation a parfois été
trop forte de relayer le discours du candidat sous sa forme la plus caricaturale.
Comme Libération présentant en titre de transition d 'un
article cette phrase comme un de ces arguments de campagne : « la
désertification des campagnes est dûe aux mouvements
spéculatifs sur les marchés dérivés , créant
un risque systématique absolu » ou Le Monde indiquant qu 'il
s 'est présenté pour « s'élever contre
le darwinisme social » (62).
Les journalistes annoncent à leur lecteurs qu 'ils ne comprennent
pas ses prestations télévisées, que son discours est
un fourre-tout idéologique qui s 'accompagne en plus d 'une façon
de parler trop technique. Si ces constatations se basent sur des éléments
réels, elles s 'accompagnent aussi d 'un vrai renoncement
des analystes pour essayer de creuser plus profond et parfois d'une certaine
mauvaise foi dans le choix des informations et des exemples cités
aux lecteurs.
Et si la presse semble ne pas pouvoir présenter de façon
claire son discours et son programme, comment le lecteur pourrait
essayer de s 'y retrouver?
Il en ressort, comme pour Marcel Barbu, que les journalistes ont fait
de Jacques Cheminade plus un personnage qu 'un candidat à cause
de la disproportion entre le traitement de l 'homme et celui de ses idées.
Il est vrai aussi que le lecteur et le journaliste montrent naturellement
plus d 'intérêt à écrire et lire un article
qui démontre les méthodes du hors parti pour séduire
cinq cent élus qu 'à l 'exégèse de ses arguments
de campagne.
Au final se forme par le même angle légitime choisi par
les journaux pour le présenter, un personnage à une facette
bien loin de la relation qu 'il aurait sans doute aimé avoir avec
les lecteurs. Il est et reste tout au long de la campagne le dirigeant
d 'un groupuscule sectaire aux amitiés douteuses qui a obtenu les
signatures nécessaires de façon intellectuellement frauduleuse.
L 'effet d 'intrusion n 'a pas les mêmes causes qu 'en 1965,
il n'a pas profité de la loi mais de la crédulité
des parrains, mais existe bien. Ses idées présentées
comme incompréhensibles en rajoutent encore sur l 'effet de candidat
« trouble et sinueux » (63).
Au total les signes directs par des analyses frontales du candidat
ont été moins utilisés qu 'en 1965. Mais dans le traitement
de l 'information, dans le choix des thèmes pour le présenter,
le lecteur est déjà clairement orienté et informé
sur la ligne éditoriale choisie par les journaux, qui a de très
rares exceptions est la même.
Est-ce que les signes indirects ont confirmé voire amplifié
ces présentations de Marcel Barbu et Jacques Cheminade ?