En 1965 il y a 28 913 422 français inscrits sur les listes
électorales et six candidats, en 1995 39 993 954 pour neuf
candidats.
La frontière entre avoir son nom sur une carte d 'électeur
et l 'avoir sur le bulletin de vote semble donc être un fossé
infranchissable.
Les mécanismes de sélection des candidats sont connus
de tous. Pour avoir le droit de briguer un mandat de président,
il faut généralement durant les mois et les années
précédant l 'élection présidentielle avoir
fait le parcours du militant distribuant des tracts, du candidat à
l 'élection locale, du responsable d 'une section du parti et du
détenteur d 'un poste ministériel.
Que ce soit pour le chef d 'un parti installé dans le jeu législatif
ou représentant un courant extrême ou infime mais qui est
habitué des joutes électorales, l 'élection présidentielle
est le sommet d 'une carrière politique.
Les critères du choix s 'avèrent au final multiples,
structurels et conjoncturel. L 'expérience passée dans le
parti et les appareils de gouvernement, la capacité démontrée
à gouverner, la relation et les rapports de force qui existent déjà
avec les électeurs, les médias et les autres candidats potentiellement
en lice, le charisme ou l'évolution des sondages sont des éléments
qui se combinent pour déterminer la désignation de tel ou
tel candidat.
En 1965, le Général De Gaulle tient sa légitimité
de son parcours et du bilan de son septennat, les autres candidats au moment
où ils se présentent ont ou pensent avoir derrière
eux des partis ou des tendances politiques les choisissant ou les soutenant.
En 1995, Edouard Balladur tient sa légitimité de
l 'exercice du pouvoir, les autres candidats de leur place éminente
au sein de leur parti sans qu 'il y ait de discussions sur le choix. Ou
si une discussion se fait la décision revient aux instances supérieures
ou aux militants comme pour Lionel Jospin.
Mais pour tous ces candidats cette légitimité vient d
'en haut, c 'est un choix des appareils installés par les votes
précédents qui fournissent la liste des candidats.
La pré-campagne menant jusqu 'à l 'ouverture des espaces
de la campagne est consituée pour les partis du choix du candidat
le plus apte à les représenter et à rassembler les
français derrière leur bannière et son nom. Le choix
de l 'ensemble des partis détermine mécaniquement l
'ensemble des candidats pour qui les signatures de parrains sont quasiment
une formalité.
Jacques Cheminade et Marcel Barbu par leur candidature paraissent être
en rupture totale avec ce système.
Candidats non désignés par une tendance politique connue
et reconnue et qui ne sont pas le fruit des mêmes critères
que les autres prétendants. Ils n 'ont ni le label, la légitimité
et la capacité décernés par les luttes politiques,
médiatiques et électorales précédentes mais
le jour de la campagne officielle ils sont candidats à l 'élection
présidentielle.
Leur seule légitimité et la seule chose qui les introduit
dans le cercle des candidats est la signature des parrains.
Mais comment ont-ils pu gagner cette légitimité?
Quels sont les critères et le chemin qui les ont
fait franchir le passage de l 'électeur au candidat?
Quelle est la nature de cette décision qui leur a fait passer
cette frontière entre la demande et l 'offre de politique? Sont-ils
réellement sans nom et sont-ils vraiment neufs et apolitiques? Sont-ils
véritablement sans parti, quels sont les soutiens dont ils disposent
et donc de qui sont-ils les candidats?
Ce sont les trois grandes questions qui se posent pour définir
cette originalité des candidats hors parti.
Cette partie est celle qui déterminera précisément
sur quelles bases reposent ces candidatures.
Elle tracera leur sillon dans le champ d 'obstacles de la campagne
.
Et donnera les points de départ et de repères pour
en suivre ensuite l 'évolution dans tous les aspects de l 'élection.