- Section 3 - Ambition du départ :  pourquoi faire se présentent-ils?

Marcel Barbu  a-t-il pour objectif en posant sa candidature de devenir président de la république?
Sur son ambition il n 'y a en fait aucune ambiguïté. Il n 'a jamais caché qu 'il n 'espère guère être président. Dans la conclusion de sa profession de foi il est très clair : «compte tenu de ce que cette élection est peu probable, je procéderai avant ma dernière émission télé à la consultation des candidats qui sembleraient être susceptibles d 'arriver en tête et je ferais connaître leur réponse et mon avis tout entier» (27).
Sa candidature est un moyen, une occasion d'exprimer des idées qui lui sont chères, des problèmes qui lui paraissent graves.
Il ne compte pas s 'emparer du pouvoir et ne se voit pas gagnant .
Marcel Barbu ne rêve pas d 'entrer à l 'Elysée, il veut amener des sujets non traités par la campagne mais ne se considère pas comme candidat au moment où il pose sa candidature.
Positionnement confirmé lorsqu 'il déclare lors d 'une conférence de presse qu ' il ne se fait pas la « ridicule illusion » de croire qu 'il sera élu et qu 'il se présente surtout dans l 'espoir de faire avancer ce qu 'il appelle ses « petites histoires » (28).
Ses petites histoires sont sans doute la construction des  pavillons sans permis.
Révélation qui confirme aussi qu 'au départ il n 'est pas un prétendant complètement désintéressé qui veut simplement montrer que « ça sert d 'être courageux » et défendre avec éclat les idées qui lui tiennent à coeur en matière sociale et de construction
Son Elysée n 'est pas à Paris mais à Archères .
Un des buts de sa campagne est sans doute aussi de se faire connaître pour avoir plus de poids comme entrepreneur pour imposer ses choix et mieux négocier avec les municipalités où il veut installer ses pavillons.
Il n 'hésite pas ainsi à déclarer pendant l 'élection que son association « construit les meilleurs logements du monde aux meilleurs prix » (29).
Ce qui pose quand même de grandes questions sur l 'aspect promotionnel de sa candidature et ses motivations réelles.
Ambition discutée aussi par le conseil constitutionnel qui s 'est interrogé sur la question de censurer sa candidature sous prétexte que celle-ci serait publicitaire pour le mouvement qu 'il dirige (30). Mais qui a finalement décidé de ne rien faire, permettant ainsi à Marcel Barbu d 'arriver sur la scène électorale.

L ' ambition de Jacques Cheminade au début de la campagne officielle apparaît  lors d 'un entretien   avec Le Monde où un journaliste lui pose justement cette question.
Sa réponse est courte mais informative : «mettre mes idées sur la table et être connu pour mes idées. Après le brouhaha fait sur ma candidature, les gens vont pouvoir juger» (31).
Conscient de partir avec un déficit de notoriété, il se présente comme un candidat à programme sans autre atout à faire jouer .
Comme Marcel Barbu il ne part pas avec des objectifs présidentiels précis et chiffrés au début de la campagne.
 

Ils arrivent dans l 'élection avec des  positionnements identiques sur le fond.
Marcel Barbu vit la décision de se présenter comme une réaction épidermique face à des problèmes concrets qu 'il rencontrait dans son association.
Il se voit plus généralement comme un modèle pour les « riens du tout », un exemple de courage de ceux qui ne doivent pas renoncer face aux problèmes en attaquant le pouvoir et son administration.
Et il veut au passage faire un peu de promotion pour son association.
Jacques Cheminade annonce que sa candidature est motivée par la crise, autre problème concret pour expliquer son engagement politique, mais plus général.
Il se voit aussi comme un candidat de rupture, différent des autres, des parisiens qui ne peuvent pas résoudre la crise.
La décision de Marcel Barbu est prise dans l 'urgence quelques jours seulement avant le dépôt officiel des candidatures
Celle de Jacques Cheminade fait suite à deux échecs en 1981 et 1988  .
Mais le quorum des cinq cent signatures instauré en 1976 semble désormais condamner définitivement une décision de dernière minute comme celle du prétendant de 1965.
Hors du contexte historique de leur engagement, ils ont  la même approche sur  leurs ambitions et une même volonté d 'amener avec eux dans la campagne leurs idées avant toute chose et de les faire connaître.

Mais ces candidats qui se présentent avec leurs idées pour seul bagage sont-ils réellement des simples  citoyens voulant représenter une majorité silencieuse à laquelle ils appartiennent face au pouvoir et à la notoriété parisienne ?
Emergent-ils en ce premier jour de campagne et sont-ils vraiment neufs et apolitiques?

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